L’action politique de l’APCIQ
Surchauffe immobilière au Québec: enjeux et conséquences
L’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) rend publique une étude importante sur la surchauffe immobilière qu’a connue la province dans le contexte de la pandémie. Ce document, qui contient notamment une analyse économique approfondie des causes de l’effervescence du marché immobilier, a été soumis au ministre des Finances du Québec dans le contexte de la consultation publique initiée par celui-ci.
Portrait de la situation
Le marché immobilier au Québec avant la pandémie
Depuis 2015, outre la hausse du pouvoir d’achat des ménages et les incitatifs d’accès à la propriété, la hausse des prix s’explique par un resserrement du marché, lié à la hausse des flux migratoires et au désir de la cohorte des 25-34 ans d’acquérir une propriété. Ce groupe, composé majoritairement de premiers acheteurs, génère une demande tout en réduisant davantage le nombre d’unités disponibles, puisqu’ils retirent une propriété disponible sans en remettre une autre sur le marché.
En 2019, les conditions de marché au Québec étaient à l’avantage des vendeurs. Le nombre de transactions sur le marché immobilier dépassait le seuil des 96 000 ventes, soit 11 % de plus que l’année précédente. Pendant la même période, le nombre d’inscriptions en vigueur enregistrées sur le système Centris des courtiers immobiliers était de 56 319, en baisse de 12 % par rapport à 2018. À la fin de l’année 2019, la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal s’approchait rapidement de la phase d’exubérance, caractérisée par des risques plus élevés de dérives.
Les 5 principaux enjeux
Comprendre la surchauffe immobilière
La pandémie a accéléré le déséquilibre déjà présent. Et sa nature particulière a entraîné des chocs différents d’une crise financière, qui ont catalysé le marché immobilier résidentiel, contribuant à un resserrement généralisé des conditions de marché.
De plus, la crise sanitaire a accéléré le télétravail, entraînant une modification des préférences résidentielles. Le sentiment d’urgence a accéléré la hausse des prix des propriétés. Le marché québécois est alors entré de plain-pied dans une phase d’euphorie, impliquant une accélération de la hausse des prix et une situation de dérive du marché, dont la surenchère est la première expression.
1. Explosion inédite des cas de surenchère
- L’économie comportementale est un cadre pertinent pour l’analyse du marché de l’habitation. En se basant sur une étude relativement récente, plusieurs concepts sont mis de l’avant, dont l’excès de confiance (attentes des acheteurs quant à l’évolution des prix), l’influence sociale (l’influence de l’entourage familial/amis, des experts du secteur immobilier et des médias sur les acheteurs) et l’autocontrôle (capacité des acheteurs à respecter le budget d’achat et à ne pas se laisser entraîner par une dynamique de surenchère). L’achat d’une propriété oblige à faire la synthèse d’informations provenant de sources variées. Cette synthèse peut être facilement biaisée par l’émotion. Or l’émotion est venue prendre une part prépondérante lors de la crise sanitaire.
- Un sondage mené par la SCHL a révélé que les premiers acheteurs étaient davantage sous l’emprise de l’émotion lors d’un processus transactionnel. Ce sont donc les acheteurs les plus influençables et ceux qui généralement dépassent leur budget d’achat.
- Ce comportement a sans doute été exacerbé lors de la crise sanitaire, comme en témoigne la proportion historique du nombre de surenchères au Québec au cours des 12 derniers mois.
- Cette dynamique a sans doute été renforcée par les acheteurs expérimentés qui ont aussi le rôle de vendeurs auprès des premiers acheteurs. Ces derniers ont eux aussi été pris dans l’engrenage de la surenchère et de l’émotivité avec des anticipations de hausse de prix rationalisées par le manque de propriétés disponibles à la vente sur le marché.
2. Diminution de l'inventaire
En 2019, tout juste avant l’éclosion de la COVID-19 dans la province, le nombre de transactions sur le marché immobilier dépassait le seuil des 96 000 ventes, soit 11 % de plus que l’année précédente, tandis que le nombre d’inscriptions en vigueur enregistrées sur le système Centris des courtiers immobiliers atteignait 56 319, en baisse de 12 % par rapport à 2018. Par conséquent, le marché immobilier québécois est entré en phase d’expansion et le nombre de mois d’inventaire a diminué de manière continue, et ce, de façon plus accentuée dans les régions métropolitaines, où le nombre de mois d’inventaire a atteint 5 mois avant la pandémie.
Ainsi, les vendeurs disposaient d’un net avantage et la croissance des prix avait déjà commencé à s’accélérer.
La pandémie de COVID-19 et le changement de comportement des acheteurs et des vendeurs sont venus exacerber ce phénomène, créant un engouement de la demande, une progression rapide des prix et une baisse de l’inventaire disponible.
3. Baisse des taux d'intérêt
- Le niveau plancher des taux d’intérêt joue un rôle majeur et facilite grandement l’abordabilité.
- Les taux du marché ont été à des niveaux historiquement bas, bien que les taux de qualification (inhérent aux règles de « test de résistance » instaurées depuis 2016), ne l’aient pas été.
- Ainsi, les prêts hypothécaires à terme variable et fixe affichés de 5 ans admissibles de la Banque du Canada de 4,79 % étaient, au cœur de la crise sanitaire, à un niveau plus élevé que durant la récession de 2008.
- Cependant, le ratio moyen entre le coût mensuel d’une hypothèque et le revenu personnel disponible des ménages québécois est ainsi descendu de 22 % dans le courant de l’année 2020 par rapport à 2019, avant de remonter en 2021. Il s’agit là d’un niveau historiquement bas malgré la forte hausse des prix de 2020.
4. Hausse des prix des propriétés
- La pénurie d’offres de propriétés résidentielles, combinée à la forte activité transactionnelle, a exercé une pression à la hausse importante sur les prix de l’immobilier. Ce phénomène, qui était déjà observable au cours des dernières années, a été exacerbé avec la pandémie.
- Le marché québécois est entré de plain-pied dans une phase d’exubérance ou d’euphorie impliquant une accélération de la hausse des prix et des situations de dérive du marché dont la surenchère est la première expression.
5. Changement du comportement des acheteurs et des vendeurs
Malgré toute l’insistance, les mises en garde et les conseils des courtiers, le contexte de la surchauffe a mis en lumière deux comportements atypiques, tant chez les vendeurs que chez les acheteurs. Motivés par la prudence sanitaire, les vendeurs ont manifesté une forte réticence à voir déambuler des acheteurs dans leur demeure, bien que ces visites soient essentielles à la réussite de la vente. Cette réticence s’est avérée tout aussi forte de la part des locataires lorsque des logements loués étaient inclus dans la vente.
À l’opposé, motivés par la nécessité de devoir se loger et espérant que leur promesse d’achat soit retenue, les acheteurs ont eu une plus grande propension à surenchérir et à renoncer à des protections contractuelles et légales importantes, comme la garantie légale de qualité, ou à escamoter des étapes importantes comme l’inspection préachat. On a aussi vu des ménages redéfinir leur style de vie, choisir des milieux de vie différents.
Avec l’arrivée de la pandémie, la pression sur un certain nombre d’acheteurs s’est accrue, exacerbée par les changements de comportements de consommation et par l’écart qui s’est creusé entre l’offre et la demande. S’ajoute à ces facteurs le contexte presque surréel dans lequel évoluaient vendeurs et acheteurs, imposé par les enjeux sanitaires.
Certains ont été alors contraints de reporter leur projet et d’autres ont dû revoir le montant à investir et la planification financière concernant l’acquisition de leur propriété. Motivés par la nécessité de devoir se loger ou se reloger, des acheteurs choisissent alors de se concurrencer. Les offres multiples deviennent monnaie courante et les courtiers accompagnent soudainement alors leurs clients dans un contexte de jamais-vu.
Anxieux de ne pouvoir conclure leur transaction, des acheteurs renoncent à des mesures de protection essentielles, et ce, malgré les conseils prodigués par leur courtier : inspection préachat, garantie légale et certificat de localisation, pourvu que l’institution prêteuse ou son évaluateur agréé en accepte le montant offert. Il y a lieu de croire que l’acheteur se sent toutefois rassuré lorsqu’on lui confirme que les renonciations et conditions contenues dans son offre ne feront pas obstacle à l’obtention du financement et que le prix offert correspond à la valeur marchande de la propriété, selon les normes de pratique professionnelle établies par l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec.
Nos initiatives
Rôle du courtier immobilier
Le rôle du courtier est d’accompagner son client et de faciliter la réalisation d’une transaction immobilière, en concordance avec ses objectifs et selon les termes prévus au contrat de courtage. La prise de décision, elle, appartient toujours au client. En vertu de son contrat, le courtier tente d’obtenir le meilleur prix et les meilleures conditions. Ne pas chercher à optimiser le résultat de la vente équivaudrait à une mauvaise exécution de ses obligations. Des reproches déontologiques pourraient même lui être adressés et il s’exposerait à des poursuites civiles.
Il est impératif que le mandat du courtier demeure intact pour protéger les intérêts de ses clients alors qu’ils procèdent à ce qui est, pour plusieurs, la plus importante transaction de leur vie.
Avec la pandémie, les offres multiples sont devenues monnaie courante et, malgré les mises en garde et les conseils des courtiers, le contexte de la surchauffe a mis en lumière deux comportements atypiques. Les vendeurs (et les locataires) ont manifesté une réticence à voir déambuler des acheteurs dans leur demeure.
Dans cette tempête parfaite, le courtier voulait protéger les intérêts de ses clients et le conseiller lors de choix difficiles : augmenter leurs budgets, renoncer à des protections importantes ou renoncer à l’acquisition d’une propriété. Malgré les contraintes rendant leur travail extrêmement exigeant, les courtiers professionnels ont accompagné 69 758 acheteurs et autant de vendeurs à conclure une transaction au cours du 1er semestre de 2021. C’est une hausse de 32 % par rapport au nombre de 52 823 pour la même période en 2020. Ce sont 15 000 acheteurs de plus qui, malgré le contexte de surchauffe, ont pu conclure une transaction et ainsi se loger. Et 2020 avait déjà été une année record !
Satisfaction envers les services du courtier immobilier
L’APCIQ a mandaté la firme Léger pour mener une étude de perception et de satisfaction des acheteurs ou vendeurs de propriétés québécois à l’égard des courtiers et du marché immobilier. La satisfaction à l’égard du travail du courtier est élevée, autant pour les acheteurs que pour les vendeurs ayant conclu une transaction immobilière entre mars 2020 et juillet 2021. Elle a été respectivement de 88 % et de 89 %.
Aussi, les résultats du sondage démontrent que le rôle du courtier immobilier n’est pas perçu auprès des répondants comme étant un paramètre important ou significatif ayant contribué à la surchauffe.
Perspectives d’évolution et solutions
Nos recommandations en 5 thèmes
1. La pratique des courtiers
Favoriser et protéger une prise de décisions éclairée
Le processus entourant les transactions immobilières repose sur la volonté des parties de trouver un compromis optimal. Afin de pallier des comportements irrationnels lors de la négociation, l’APCIQ recommande d’accentuer les efforts de sensibilisation auprès des acheteurs et des vendeurs. L’Association propose quatre interventions :
- Développer plus de contenus d’information et d’éducation et mettre à contribution la compétence technologique et les outils des membres de l’industrie, dont Centris.ca, pour diffuser l’information.
- Collaborer avec les partenaires de l’industrie : L’APCIQ compte offrir des contenus d’éducation et d’information spécialisés développés en collaboration avec des experts.
- Mettre les Québécois en relation avec les professionnels et les autres intervenants : L’APCIQ désire standardiser et normaliser cette pratique.
- Insérer des mises en garde additionnelles dans les formulaires transactionnels : L’APCIQ recommande que l’OACIQ rende des mises en garde visibles dans les divers contrats et formulaires. Les enjeux les plus importants concernent la renonciation à la garantie légale de qualité et la mise à jour du certificat de localisation.
Assister et outiller le travail des courtiers
L’APCIQ propose des solutions pour encadrer davantage certains aspects du travail des courtiers.
- Introduire des outils de contrôle (aide-mémoire) : L’APCIQ propose de mettre à la disposition de ses membres un outil de contrôle des étapes et des décisions que le consommateur doit prendre. Cet outil assurera plus de transparence et, surtout, documentera les suivis. Un bon nombre de courtiers recourent déjà à des contrôles similaires. La pratique ne serait donc pas nouvelle, mais standardisée.
- Offrir des formations destinées aux courtiers pour qu’ils s’approprient les outils mis à leur disposition. Outre l’obtention du diplôme spécialisé qu’il doit obtenir, ainsi que des formations continues obligatoires qu’il doit suivre, l’APCIQ propose d’offrir une formation destinée à bien les familiariser avec les nouveaux outils.
L’APCIQ compte aussi se pencher plus en profondeur sur les différentes étapes du processus transactionnel pour identifier des solutions plus structurantes. L’APCIQ a déjà mis en place une table de concertation regroupant les différents acteurs du secteur immobilier. Ensemble, ils souhaitent protéger l’accès à la propriété.
2. Le modèle de rémunération
Le système de rémunération des courtiers en place et le mieux adapté. Les modèles de rémunération sont en accord avec la volonté et les intérêts des clients des courtiers immobiliers, qu’ils soient acheteurs ou vendeurs, et la rémunération payable au courtier du vendeur n’a nullement contribué à la surchauffe.
Il faut se garder de changer un modèle qui fonctionne, qui sert les intérêts supérieurs des clients, qui encourage une diversité de combinaisons offre/rémunération, et ce, dans le respect des principes de la libre concurrence.
Dans le milieu du courtage immobilier au Québec, les modèles de rémunération sont soumis à la Loi sur la concurrence. En vertu de celle-ci, les courtiers proposent des offres de services sous des formules différentes les unes des autres, et la rémunération recherchée varie en conséquence. La rémunération, confirmée dans un contrat de courtage étoffé, est généralement calculée selon un pourcentage du montant de la vente ou suivant un montant fixe convenu.
Les courtiers immobiliers sont donc des entrepreneurs. Nos 13 000 courtiers immobiliers de près de 1 000 agences se démarquent en offrant des services qui varient et leur rémunération reflète ces différences. Chaque client trouvera une offre de service correspondant à son besoin en conseils, pour orchestrer chaque étape et pour prendre à sa charge la mise en marché.
Le courtier immobilier est aussi un preneur de risque. Nos analyses confirment d’ailleurs que les propriétaires préfèrent voir le courtier courir le risque à leur place. Il assume donc l’investissement en temps et en argent et il touche sa rémunération seulement une fois la vente signée, chez le notaire. Si la transaction échoue, le courtier ne touchera aucune rémunération.
Enfin, pour la vaste majorité des transactions, le courtier du vendeur partage la rétribution issue du produit de la vente avec le courtier représentant l’acheteur. À certaines conditions, la réglementation permet au courtier du vendeur d’assister un acheteur non représenté. Il se doit notamment de le traiter équitablement. Ce système laissant le libre choix du courtier par l’acheteur assure qu’un maximum profite des services d’un courtier. De surcroît, la Loi sur le courtage immobilier protège les acheteurs, impose des mesures de protection importantes, auxquelles s’ajoutent l’encadrement des agences, les programmes de formations et l’accompagnement de multiples organisations de l’industrie. Pour l’acheteur, le libre choix d’être servi par un courtier en vertu d’un contrat à cet effet, ou d’être servi par le courtier du vendeur, est pour l’instant le modèle le plus efficace. Il est préférable à l’éventualité de voir des acheteurs agir sans service-conseil.
3. Les divulgations des offres et autres conditions
Des règles visant la protection de la confidentialité des informations véhiculées dans les promesses d’achat sont impératives. En toute circonstance, la divulgation du contenu des offres ne favorisera pas l’acheteur. Il faut se méfier d’un remède qui serait plus dommageable que le symptôme.
Permettre la divulgation des offres et autres conditions entraînerait des enjeux dans les rapports entre le vendeur et les acheteurs. Dans un système où l’on devrait divulguer aux futurs promettants-acheteurs les conditions des offres déjà reçues, il faudrait aussi en faire bénéficier les promettants-acheteurs précédents pour être équitable. Selon ce principe modérateur de droit, tous sont en effet en droit de recevoir un traitement juste et égalitaire et accéder aux mêmes informations. Procéder autrement constituerait un véritable déni de justice. De plus, l’obligation d’agir de bonne foi en matière contractuelle, présente en droit civil québécois exposerait le vendeur à des poursuites.
Pour être juste et équitable, on entraînerait les promettants-acheteurs dans un cercle itératif complexe qui ne servirait pas mieux les clients. Aussi, pour se protéger contre tout recours, le vendeur en viendra à donner une date butoir aux présentations des offres, ou alors, il accordera une période raisonnable et équitable à tous pour réagir après une nouvelle offre. Nous aurions complexifié le système et les acheteurs se livreraient malgré tout à la même concurrence qui pousse les prix à la hausse. Aussi, les promesses d’achat contiennent des informations confidentielles qui ne peuvent être divulguées. Advenant l’obligation de divulguer les offres, il faudrait trouver une solution à cet enjeu important.
Question : Si oui, cette divulgation devrait-elle être obligatoire ou à la discrétion du vendeur ?
Réponse : Rendre obligatoire la divulgation équivaudrait à introduire un système d’enchères publiques.
Si la divulgation est à la discrétion au vendeur, on peut anticiper que, dans tous les cas de marché, cette mesure jouerait en faveur de ce dernier et favoriserait une hausse des prix. Le système ressemblerait à celui d’enchères, qui génèrerait une hausse des prix de vente. Une difficulté additionnelle d’application de ce scénario tient au fait que les prix ne fluctuent pas tous de la même manière selon la catégorie et le secteur. Cette mesure occasionnerait des effets indésirables là où le marché fluctue différemment.
Question : Est-ce qu’un promettant-acheteur devrait pouvoir refuser que le prix de sa promesse d’achat soit divulgué aux autres promettants-acheteurs ?
Réponse : L’acheteur aura toujours intérêt à refuser de divulguer son offre. Nous nous retrouverions dans la même situation que les règles du marché actuel.
Que le marché lui soit favorable ou non, aucun promettant-acheteur n’aurait intérêt à ce que le contenu de son offre soit divulgué. Cela donnerait aux acheteurs concurrents une occasion de surenchérir. Si la divulgation de l’acheteur est optionnelle, celui-ci choisira toujours de l’interdire et la dynamique de marché serait donc identique à celle que nous avons aujourd’hui.
Question : Quels seraient les effets d’une modification de la règle en question ?
Réponse : Peu importe les scénarios et l’état du marché, un changement aux règles de divulgations, qu’elles soient discrétionnaires ou non, produirait un effet inverse à celui recherché. Il contribuerait plutôt à hausser les prix.
3. Les divulgations des offres et autres conditions
Des règles visant la protection de la confidentialité des informations véhiculées dans les promesses d’achat sont impératives. En toute circonstance, la divulgation du contenu des offres ne favorisera pas l’acheteur. Il faut se méfier d’un remède qui serait plus dommageable que le symptôme.
Permettre la divulgation des offres et autres conditions entraînerait des enjeux dans les rapports entre le vendeur et les acheteurs. Dans un système où l’on devrait divulguer aux futurs promettants-acheteurs les conditions des offres déjà reçues, il faudrait aussi en faire bénéficier les promettants-acheteurs précédents pour être équitable. Selon ce principe modérateur de droit, tous sont en effet en droit de recevoir un traitement juste et égalitaire et accéder aux mêmes informations. Procéder autrement constituerait un véritable déni de justice. De plus, l’obligation d’agir de bonne foi en matière contractuelle, présente en droit civil québécois exposerait le vendeur à des poursuites.
Pour être juste et équitable, on entraînerait les promettants-acheteurs dans un cercle itératif complexe qui ne servirait pas mieux les clients. Aussi, pour se protéger contre tout recours, le vendeur en viendra à donner une date butoir aux présentations des offres, ou alors, il accordera une période raisonnable et équitable à tous pour réagir après une nouvelle offre. Nous aurions complexifié le système et les acheteurs se livreraient malgré tout à la même concurrence qui pousse les prix à la hausse. Aussi, les promesses d’achat contiennent des informations confidentielles qui ne peuvent être divulguées. Advenant l’obligation de divulguer les offres, il faudrait trouver une solution à cet enjeu important.
Question : Si oui, cette divulgation devrait-elle être obligatoire ou à la discrétion du vendeur ?
Réponse : Rendre obligatoire la divulgation équivaudrait à introduire un système d’enchères publiques.
Si la divulgation est à la discrétion au vendeur, on peut anticiper que, dans tous les cas de marché, cette mesure jouerait en faveur de ce dernier et favoriserait une hausse des prix. Le système ressemblerait à celui d’enchères, qui génèrerait une hausse des prix de vente. Une difficulté additionnelle d’application de ce scénario tient au fait que les prix ne fluctuent pas tous de la même manière selon la catégorie et le secteur. Cette mesure occasionnerait des effets indésirables là où le marché fluctue différemment.
Question : Est-ce qu’un promettant-acheteur devrait pouvoir refuser que le prix de sa promesse d’achat soit divulgué aux autres promettants-acheteurs ?
Réponse : L’acheteur aura toujours intérêt à refuser de divulguer son offre. Nous nous retrouverions dans la même situation que les règles du marché actuel.
Que le marché lui soit favorable ou non, aucun promettant-acheteur n’aurait intérêt à ce que le contenu de son offre soit divulgué. Cela donnerait aux acheteurs concurrents une occasion de surenchérir. Si la divulgation de l’acheteur est optionnelle, celui-ci choisira toujours de l’interdire et la dynamique de marché serait donc identique à celle que nous avons aujourd’hui.
Question : Quels seraient les effets d’une modification de la règle en question ?
Réponse : Peu importe les scénarios et l’état du marché, un changement aux règles de divulgations, qu’elles soient discrétionnaires ou non, produirait un effet inverse à celui recherché. Il contribuerait plutôt à hausser les prix.
4. Les visites préachat
La période de surchauffe a mis à rude épreuve les visites de propriétés, un moment charnière du processus décisionnel, chargé d’émotions. Cependant, les premières visites sont en tout temps de courte durée, soit de 30 minutes, déplacement compris, pandémie ou pas. C’est lors de la seconde visite d’une propriété « retenue » qu’on évalue le prix et les conditions à inclure dans une promesse d’achat. Ce qui a été problématique en situation de pandémie, c’est que les acheteurs se prononçaient dès la visite initiale, sous le poids de la charge émotive. Voici comment le marché a composé avec ce défi.
Gérer les visites pour réduire l’impact de l’intrusion dans le foyer du vendeur :
La visite physique demande en tout temps une minutieuse préparation. En période de confinement, les vendeurs ont aussi dû voir des inconnus investir la résidence, alors que tous n’avaient pas d’endroit où aller. De plus, il fallait tout désinfecter, avant et après les visites. Les vendeurs en sont venus à demander de concentrer les visites.
Le prix comme stratégie pour gérer le volume de visite :
Les surenchères ont pu donner l’impression que le prix affiché était trop bas. Il est pourtant difficile d’imaginer qu’un courtier conseille d’afficher un prix inférieur à la valeur d’une propriété. Cela irait à l’encontre de l’intérêt de son client et de ses obligations. Dans les faits, il a surtout pu arriver que le courtier recommande une mise en vente à prix plus élevé pour limiter l’attrait de la propriété, et ainsi alléger le fardeau des vendeurs.
Le principe de la collaboration :
Véritable enjeu lors de surenchères, le principe de collaboration est l’un des fondements du système de courtage immobilier. Il permet entre autres à tous les acheteurs d’avoir de visiter une propriété, puis de faire une offre. Il protège ainsi contre des risques de dérapage où des acheteurs seraient avantagés. Au plus fort de la surchauffe (janvier-juin 2021), la portion des ventes entre collaborateurs a crû de 3,3 %. Cela signifie qu’il y a un pourcentage moindre de ventes où le courtier agissait à la fois pour le vendeur et pour l’acheteur. Cette donnée démontre que les courtiers des vendeurs ont bien permis la visite et ont adéquatement présenté les offres des acheteurs.
Les courtiers ne peuvent faire la promotion d’une propriété avant qu’elle ne soit affichée sur Centris.ca. Cela dit, on observe ce comportement de la part des vendeurs, pour privilégier une personne qu’ils connaissent, par exemple.
L’APCIQ fait deux recommandations pour encadrer davantage le principe de collaboration, dans ce dossier.
- Afficher une mise en garde au contrat de courtage informant le vendeur qu’il n’est pas dans son intérêt de débuter la mise en marché avant l’inscription sur les services de diffusion. La mise en garde au contrat de courtage doit aussi rappeler au vendeur que les visites doivent être offertes à tous et que limiter ce droit est contraire à son intérêt.
- Le recours par le courtier du vendeur à un registre des visites comportant une grille qui reproduit les principales caractéristiques des offres reçues et assure la traçabilité des suivis. Cette recommandation évitera que des ménages intéressés par une propriété restent sans réponse. Une grille comparative faisant état des principales caractéristiques (prix, financement, conditions, etc.) y sera greffée. Elle servira à savoir sur quelles bases le vendeur a retenu une offre plutôt qu’une autre.
5. Les enchères publiques
L’APCIQ entend examiner plus à fond si un tel système est opportun et si oui, comment pourrait-il s’appliquer. Chez nous, une solution d’enchères publiques pourrait favoriser la réalisation de transactions immobilières efficaces, sécuritaires, équitables et respectueuses de l’équilibre des droits et obligations de chacun.
En immobilier, dans le système actuel, le vendeur considère le prix et les autres conditions de vente avant de déterminer s’il accepte ou non de céder son bien à un acheteur. Les promettants-acheteurs, eux, présentent une promesse d’achat. L’acheteur potentiel y inclura une offre qu’il considère refléter la valeur et les conditions qu’il attribue au bien immobilier, compte tenu de sa réalité et des attentes connues (ou perçues) du vendeur.
La mise en enchère publique, elle, est un système qui repose sur l’obligation du vendeur d’accepter la meilleure offre sous peine de fortes conséquences. Les participants peuvent donc prendre connaissance de l’offre la plus récente puis en soumettre une meilleure. Il en va de même jusqu’à l’atteinte de l’offre la plus élevée, qui correspond à la fin de la durée prévue de l’enchère.
L’enchère publique élimine les discussions et les négociations entre les promettants-acheteurs et les vendeurs. Le vendeur, outre qu’au moment de la mise en enchère de son bien, n’interviendra qu’une fois la dernière offre déposée, à la fin du processus. Il sera alors tenu d’accepter cette dernière offre. Qu’elle soit en tout point meilleure ou pas, ce sera l’offre qui liera le vendeur. Celui-ci aura avantage à bien évaluer les conditions d’utilisation d’un tel mode de vente avant de s’y aventurer.
Enfin, gardons à l’esprit que de nombreux vendeurs font le choix d’écarter des acheteurs qui leur ont soumis la meilleure offre parce que muent par des facteurs émotifs : ils leur préfèrent d’autres acheteurs plus sympathiques, qui leur ressemblent, ils sont en désaccord avec ce qu’ils entendent faire de la propriété, ils voient en eux des spéculateurs, ils soupçonnent un projet de démolition/ reconstruction, etc.